L’enquête de Reuters révèle que Merck & Co et les régulateurs américains étaient au courant des rapports de comportements suicidaires chez des hommes sous Propecia depuis de nombreuses années. Mais qu’ils ont décidé de ne pas avertir les consommateurs de ces risques potentiels à la mise à jour de la notice en 2011. En France, la revue Prescrire vient d’ajouter ce médicament à sa liste noire 2021. Kapich fait le point.
Pour un grand nombre d’homme, la chute de cheveux (calvitie) est particulièrement préoccupante, d’autant qu’elle fait parfois son apparition très jeune, vers 25 ans. Elle entraîne souvent beaucoup d’angoisse, une perte de confiance en soi.
La calvitie touche au moins 10 millions d’hommes en France. Rien d’étonnant à ce qu’il existe d’innombrables traitements et solutions ayant vocation à la prévenir et la ralentir, voire la stopper.
Aujourd’hui, deux médicaments sont reconnus mondialement pour traiter efficacement la chute de cheveux et autorisés en tant que tel sur les marchés. Parmi eux, le minoxidil, une solution topique à appliquer tous les jours sur le cuir chevelu et disponible en vente libre et le finastéride (ou Propecia).
Ce médicament anti-calvitie est au cœur d’une controverse aux États-Unis, à la suite d’une enquête du média Reuters et la divulgation de plusieurs rapports jusque-là restés secrets faisant état d’un lien entre la prise de Propecia et la dépression, notamment un risque suicidaire.
Le fabricant connaissait les risques…
L’enquête révèle que le fabricant et la FDA, mais également des juges, étaient au courant de nombreux rapports d’usagers ayant des pensées et des conduites suicidaires, et ce depuis plusieurs années. Elle rapporte même que l’entreprise Merck a reçu 200 rapports de dépression parmi des utilisateurs masculins, dont 10 impliquaient une dépression grave, et neuf autres un comportement suicidaire*.
Malgré tout, l’entreprise a décidé de ne pas avertir les consommateurs de ces risques potentiels dans une mise à jour de 2011 de la notice.
Ce n’est pas la première fois que le Propecia fait l’objet d’un article dans Reuters : en 2019, le journal mentionnait le cas d’une action en justice menée par une femme à la suite du suicide de son mari. Les symptômes de dépression avaient commencé au moment du traitement, et malgré son arrêt, avaient empiré… jusqu’à ce que l’homme se jette sous un train. Elle n’est pas la seule : plus de 1 100 plaintes de ce type ont été déposées aux États-Unis au regard du finastéride.
Dans un communiqué, la firme ajoute que “les preuves scientifiques ne soutiennent pas un lien de causalité entre Propecia et le suicide ou les idées suicidaires et ces termes ne devraient pas être inclus dans l’étiquetage”. Ce que soutient visiblement la FDA (Food and Drugs Administration, l’instance de régulation des médicaments aux USA). En effet, Merck estime que le nombre de rapports de dépressions graves et de comportements suicidaires n’était pas suffisant pour justifier cela et pour surveiller encore davantage les effets du médicament auprès des patients. Les informations seraient insuffisantes pour conduire une véritable évaluation…
Et en France ?
Cela fait longtemps que les effets secondaires du Propecia sont montrés du doigt, il suffit de taper “Propecia effets secondaires” dans Google, et de nombreux articles apparaissent à ce sujet, mettant en garde les usagers. C’est d’ailleurs pour cette raison que le médicament exige un suivi médical régulier et rigoureux.
La dépression, la perte de la libido et les persistances possible de ces symptômes sont bel et bien cités dans la notice française, par principe de précaution, l’ANSM avait d’ailleurs fait un rappel à ce sujet en 2019**.
Propecia sur liste noire 2021
PRESCRIRE, la revue médicale et indépendance mensuelle, vient d’ajouter le Propecia sur sa liste noire de médicaments pour 2021***.
Conclusion
Devant les tentatives de dissimulation dont a fait preuve le fabricant, les rappels et le renforcement de la vigilance vis-à-vis du médicament par l’ANSM et son ajout sur la liste noire par Prescrire… l’extrême prudence est de mise.
Votre santé vaut sûrement plus que quelques cheveux sur la tête… et si vous êtes sous Propecia et que vous sentez le moindre changement, parlez-en à votre médecin et rendez-vous sur le portail de pharmacovigilance du gouvernement pour signaler tout effet secondaire ou indésirable.
* https://www.reuters.com/article/us-merck-propecia-suicide-exclusive-idUSKBN2A32XU
*** https://www.prescrire.org/Fr/202/1834/55640/0/PositionDetails.aspx